Ces cadres conceptuels se définissent comme un ensemble d’hypothèses, de définitions, de principes et/ou d’idées organisés de manière telle que des acteurs puissent travailler ensemble, communiquer plus facilement, structurer et réfléchir sur le pourquoi et le comment prendre en charge une problématique de santé.

En matière de prévention des traumatismes, trois cadres sont généralement utilisés :

Le cadre conceptuel dans le domaine de la prévention des blessures

La matrice de Haddon (Haddon 1968) est le premier modèle d’analyse qui décompose l’évènement traumatique. Ce modèle a permis d’ouvrir de larges perspectives et de dépasser la simple identification des individus à risque, et l’action orientée principalement sur les changements de comportement.

Il intègre dans une matrice deux composantes :

La composante temporelle qui distingue 3 phases :

  • La phase de « pré-événement » qui inclut tous les facteurs qui influencent l’exposition potentielle;
  • La phase « événement » qui correspond à la période de contact entre l’hôte et l’agent (énergie), pendant et après l’événement;
  • La phase « post-événement » qui est la phase de réponse de l’hôte à l’événement.

La composante multifactorielle du traumatisme comprenant :

  • Le facteur humain;
  • Les caractéristiques physique de l’agent agresseur (véhicule ou vecteur d’énergie);
  • L’environnement (physique et social).

Cette approche est complétée par un ensemble de 10 stratégies qui permettent de répertorier et planifier les interventions possibles pour gérer un événement traumatique.

La prévention selon le modèle de Haddon

Haddon a proposé 10 stratégies pouvant intervenir tant dans les différentes étapes temporelles que sur chaque type de déterminant (humain, vecteur, environnement). Il se base sur le constat que les traumatismes sont le résultat, à un moment donné, de la conjonction de l’interaction de plusieurs facteurs ou éléments appartenant :

  • A une personne;
  • A l’environnement dans lequel elle se trouve;
  • Au vecteur ou au produit qui est utilisé;
  • A l’énergie qui est dégagée ou transférée.

Les formes d’énergie qui provoquent la majorité des traumatismes sont les suivantes :

  • L’énergie mécanique (cause de fractures);
  • L’énergie chimique et thermique (cause de brûlures);
  • L’énergie électrique qui provoque (cause d’électrocutions).

Ou paradoxalement d’une privation subite d’énergie ou d’un élément vital comme :

  • La privation d’oxygène (strangulation, noyade…) qui provoque l’asphyxie avec ses conséquences neurologiques et cardiaques;
  • La privation de chaleur qui provoque les engelures….

Intérêt du modèle de Haddon

Il permet une compréhension générale des mécanismes qui entrent en jeu dans la survenue d’un traumatisme.

Il permet d’identifier les facteurs associés aux traumatismes, de choisir et développer des stratégies de prévention efficaces reposant sur :

  • L’efficacité de la méthode ou de l’intervention;
  • Des choix d’intervention qui agissent sur plusieurs déterminants et/ou phases de l’événement;
  • Des critères de coût/efficacité;
  • L’utilisation de méthodes de prévention passive et active (voir prévention).
Le cadre conceptuel pour la gestion des dangers

Le terme cindynique trouve son origine dans le mot grec « kindunos », qui signifie « danger ». Les cindyniques sont donc les sciences du danger.

Ces disciplines cherchent à connaître, comprendre et modéliser les différents aspects du danger. Leurs cadres théoriques se fondent sur l’analyse et la gestion du risque.

Le danger est défini comme la tendance d’un système à engendrer un ou plusieurs accidents. Le danger a deux propriétés :

  • La probabilité qui mesure les risques qu’il a de se matérialiser;
  • La gravité qui mesure l’impact de cette matérialisation par le Dommage Maximum Correspondant.

Le risque est défini comme la mesure du danger. Lorsque l’on multiplie les deux dimensions du danger (probabilité et gravité), le risque donne une mesure synthétique du danger (Kerven and Rubise 1991).

On distingue les « mégacindyniques» qui s’intéressent aux catastrophes technologiques ou naturelles, et les « microcindyniques » qui s’intéressent aux événements tels que les traumatismes de la route, du travail, du domicile.

L’analyse des systèmes et la détection des déficits de ceux-ci permet de diminuer la probabilité d’apparition de crises, et donc de réduire les risques. L’approche cindynique distingue 10 déficits systémiques cindogéniques (DSC).

Ces déficits sont regroupés en trois catégories :

Les déficits culturels : croyance dans l’infaillibilité du système, simplisme, non communication

Les déficits organisationnels : subordination des fonctions de gestion des risques aux fonctions de production, dilution des responsabilités

Les déficits managériaux : absence de retour d’expérience, absence de méthode de prévention des dangers dans l’organisation, absence de formation, absence de planification de crise.

Intérêt du modèle cindynique

Il permet d’appliquer une réflexion et un canevas d’analyse systémique, et de mettre ainsi en évidence un certain nombre de facteurs sur lesquels des interventions peuvent être envisagées.

Le cadre conceptuel pour les démarches de la promotion de la sécurité

La promotion de la sécurité est un processus que les individus, les communautés, les gouvernements et les autres organisations utilisent aux niveaux local, national et international pour développer et maintenir la sécurité. Ce processus est composé de tous les efforts consentis pour modifier les structures, l’environnement, ainsi que les attitudes et comportements ayant trait à la sécurité. Il nécessite une approche intersectorielle et comprend toute activité d’habilitation d’une collectivité.

Le besoin de sécurité

Il s’agit d’un besoin inhérent à la nature humaine (cf. théorie de Maslow). « Être en sécurité » est un besoin et un droit fondamental de l’être humain. La satisfaction de ce besoin est un préalable à l’amélioration et au maintien du bien-être et de la santé des individus et des populations. La satisfaction du besoin de sécurité varie en fonction de nombreux facteurs : l’âge, l’état de santé, le degré d’autonomie, le milieu de vie, la perception personnelle,…

La sécurité

La sécurité est « un état où les dangers et les conditions pouvant provoquer des dommages d’ordre physique, psychologique ou matériel sont contrôlés de manière à préserver la santé et le bien-être des individus et de la communauté. C’est une ressource indispensable à la vie quotidienne qui permet à l’individu et à la communauté de réaliser ses aspirations ».

La sécurité ne suppose pas l’élimination de tous les dangers, mais leur contrôle de manière à préserver la santé et le bien-être.

La sécurité « comporte deux dimensions: une dimension objective, appréciée en fonction de paramètres comportementaux et environnementaux objectifs, et une dimension subjective, appréciée en fonction du sentiment de sécurité de la population. Ces deux dimensions s’influencent mutuellement de façon postive ou négative. Pour améliorer la sécurité de la population, il est donc essentiel de tenir compte de ces deux dimensions ».

Intérêts du cadre conceptuel

Ce cadre ne rejette aucune approche ou modèle d’intervention existant. Il permet de rallier plusieurs approches et acteurs. Il constitue un fil conducteur pour l’action. Il s’applique à l’approche communautaire, qui est notamment fournie par le mouvement des « Safe Communities » (« Communautés Sûres »).

Ce concept a vu le jour lors de la 1ère conférence mondiale sur la prévention des accidents et des traumatismes organisés en 1989 à Stockholm. L’approche « Safe Community » a été développée dans les années 90 par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) et le Karolinska Institute of Public Health de Suède.

Une approche communautaire de la promotion de la sécurité est fournie par le mouvement « Communautés Sûres ». Une ville qui peut prétendre au label « Communauté Sûre » est une ville qui développe un programme de promotion de la sécurité et de prévention des traumatismes, de la violence, du suicide, et qui s’intègre dans un réseau international.

Le concept intègre des dimensions individuelles, physiques, socio-environnementales à différents niveaux (personnel, organisationnel, communautaire), et permet l’ouverture vers une approche écologique

Ces cadres conceptuels ont toute leur importance car ils permettent :

  • D’analyser, de comprendre et de faire la synthèse des connaissances des différents aspects d’une problématique, afin d’en avoir une vision systémique;
  • De communiquer de manière structurée;
  • De favoriser l’approche multisectorielle (en étant un point de rencontre entre les différents intervenants et secteurs concernés);
  • D’agir avec cohérence en favorisant la planification et l’évaluation des interventions.
Pour comprendre les modèles et les cadres conceptuels en prévention des traumatismes et promotion de la sécurité:

Présentation Power Point : Les modèles et cadres conceptuels en prévention des traumatismes et promotion de la sécurité : tour d’horizon – Alain LEVEQUE – École de Santé Publique – Faculté de Médecine Université Libre de Bruxelles

Webinaire : Les rapprochements entre la prévention de la violence et la prévention des traumatismes non intentionnels – Présentation par Pierre Maurice – Institut National de Santé Publique du Québec – Centre d’expertise et de référence – Novembre 2016

Avec le soutien :

Un projet du plan de relance de la Wallonie

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